Les deux petites filles avaient deux prénoms le Lombard et le Sarrasin, la première se nommait Gulietta et Selma, la deuxième Sylvia, Firuzia. Elles étaient toutes deux menues avec la peau mate et les cheveux noirs frisés. Je remerciais la soeur de Peyre de sa générosité, et nous sommes devenues de grandes amies, elle se nommait Marguerite. Notre flotte comprenait maintenant une dizaine de bateaux dont deux à rames pour aller jusqu’à Lyon plus un gros bateau pour pécher la morue en Atlantique, la morue est le roi du poisson salé et il se conserve plus d’un an, nous étions aussi riches grâce au ravitaillement occasionné par le départ en terre sainte. Nous séchions du poisson comme la rascasse ou les rougets mais ils se conservaient moins longtemps que la morue, notre spécialité était le pâté de poisson que nous conservions dans des récipients en terre cuite lui même placé dans une saumure, il se conservait ainsi des semaines. En autre activité nous conduisions les cathares en fuite jusqu’en Lombardie. Les enfants grandissaient et avec la petite Gulietta je n’avais plus de désir d’enfants.
Douze cents quarante quatre ce fût l’année de la chute de Montségur et celle de l’année de la chute de Jérusalem ainsi que l’année du retour de ma tante Guillemette qui commençait à être bien vieille et cette année là Godefroy mourût.
Le petit Raimon qui allait sur ses quinze ans montrait de plus en plus de dispositions pour les constructions diverses et variées. Il envoyait des messages grâce à des systèmes de micas jouant avec le soleil.
J’avais un mari attentionné, des enfants intéressants, je faisais des dîners en ville où je mettais hennin et chausses en lin que je quittais pour aller dans l’eau. Les enfants s’occupaient de plus en plus de la pêche. Raimon n’avait de cesse en plus des arbalètes géantes et des catapultes d’inventer des systèmes pour relever les filets. Guillaume mon deuxième s’intéressait de plus à la pêche. Gulietta s’intéressait à la musique et jouait de la flûte et de la cithare ainsi que de la vieille à roues. Plus tard Gulietta se maria avec un troubadour et Sylvia avec un marchand juif. Avec Gulietta je me sentais complète.
J’avais adhéré à la fraternité de ma cousine et ceci me fût d’un grand secours quand le temps des malheurs arriva. J’ai eu trente ans de bonheur et dix ans de malheurs et le reste de ma vie en sérénité. Mais ceci est une autre histoire.